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« Les droits de la cité. La défense de nos franchises communales (1833-1836) », par Henri HAAG,

Bruxelles, Editions universitaires, 1946

 

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INTRODUCTION

 

(page 5) Notre histoire est faite du conflit de deux forces. L’une, animée d’un mouvement centripète, attire le sang au centre du corps social et néglige les extrémités. Elle pousse l’unification du territoire, à la centralisation administrative, à l’extension des droits de l’État. Son idéal est l’unité et l’uniformité.

L’autre, animée d’un mouvement centrifuge, renforce la vie aux extrémités du corps social et l’affaiblit au centre. Elle favorise l’autonomie des provinces, les franchises des communes, les droits des corporations, l’émiettement de l’autorité. Les diversités, les particularités, les libertés sont respectées et protégées par elle. Un certain désordre apparent, calqué sur la vie, n’est point pour lui déplaire.

La victoire totale de la première comme de la seconde de ces forces présenterait, croyons-nous, des dangers.

Une centralisation excessive tuerait chez les citoyens le sens du service public et tarirait la source où s’alimente leur besoin de liberté.

Une décentralisation trop poussée rendrait précaire l’existence même de la Belgique.

Le bien du pays ne réside donc pas, dans le triomphe absolu de l’une ou de l’autre des forces en présence, mais dans leur rivalité contenue en de justes bornes. Nos gouvernants, forcés d’accorder ces tendances contradictoires devront trouver, à chaque occasion, des compromis satisfaisants.

*  *  *

La lutte qui oppose les partisans de l’unité et de la diversité s’avère particulièrement vive sur le terrain de nos institutions locales. Les premiers veulent soumettre (page 6) les communes au gouvernement, les seconds désirent leur autonomie.

Plutôt que de retracer superficiellement les différentes phases de ce conflit séculaire, nous avons préféré étudier en détail un épisode encore ignoré la genèse de la loi communale de 1836.

La loi de 1836 n’est qu’une expression nouvelle de l’éternel problème.

Désireux, après son avènement, d’augmenter légalement ses pouvoirs, Léopold Ier voulut obtenir l’autorisation de nommer bourgmestres et échevins.

Si le parlement cédait, le Roi acquérait une puissance considérable, non seulement sur le gouvernement intérieur des communes, mais sur les élections générales et la direction du pays.

Cet accroissement de pouvoirs ne fut pas admis de tous. Certains dignitaires ecclésiastiques le craignirent. Les démocrates, surtout les catholiques-démocrates, s’y opposèrent.

Un changement de ministère, deux projets de loi, des polémiques d’une violence inouïe, nonante-deux séances des Chambres, s’espaçant sur trois années, donnent une idée de l’acharnement de la lutte et de l’importance des intérêts engagés.

Comment le gouvernement arriva-t-il à concilier les deux thèses en présence, à établir, entre elles un compromis soucieux des intérêts de l’Etat et conforme à nos traditions, c’est ce que nous avons entrepris de raconter dans les pages qui vont suivre.

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Jusqu’à présent, personne n’a étudié la genèse de la loi communale de 1836. L. Hymans lui-même, dans son Histoire parlementaire, monumental résumé de tous les discours prononcés à la Chambre depuis 1831 jusqu’en 188O, perd courage devant les 92 séances qui lui furent consacrées. Seul le R. P. de Moreau, dans son excellente (page 7) biographie d’Adolphe Dechamps, en donne un exact résumé.

L’étude de la loi communale ouvre pourtant aux historiens les perspectives les plus intéressantes. Elle leur révèle les projets et les ambitions de Léopold Ier, du Cardinal Sterckx et des différents partis. Lieu géométrique des forces politiques en présence, la loi communale est un des rares endroits de notre histoire contemporaine, qui permette un sondage fructueux.

Encore faut-il creuser profond.

Nous avons, pour notre part, puisé nos renseignements aux sources manuscrites et imprimées. Les archives de l’archevêché de Malines et de l’évêché de Gand ont fourni le gros de notre documentation. Les lettres des comtes de Robiano et de Merode, celles du baron d’Huart, de F. Dubus, du chanoine van Crombrugghe nous ont également été fort utiles.

Les sources publiées, aussi intéressantes pour nous que les manuscrites,. Comprennent principalement les journaux. Nous songeons spécialement au Journal des Flandres, au Journal historique et littéraire, au Courrier de la Meuse, au Courrier Belge, au Messager de Gand, à tant d’autres feuilles qui nous ont rendu si proches les hommes de 1830. Dans cette liste n’oublions pas le Moniteur, journal officiel, qui, on le sait, contient les débats du parlement ainsi que les rapports du gouvernement et de la section centrale. Les lettres de Léopold Ier à Metternich, les dépêches du comte de Dietrichstein, les instructions de Mgr Gizzi, le Livre Noir de l’abbé Beeckman, les Souvenirs du comte de Mérode Westerloo, ceux du journaliste Beaucarne, La Révolution dans les Flandres de Bartels, ne manquent pas d’intérêt non plus.

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Qu’on nous permette en fin de cette introduction, d’offrir l’hommage de notre gratitude à tous ceux dont l’aide et les conseils, également précieux, nous ont permis (page 8) de mener à bien ce travail. Et d’abord à nos professeurs de Louvain M. le vicomte Terlinden, l’éminent spécialiste de notre histoire contemporaine ; M. le chanoine De Meyer, au jugement à la fois ferme et nuancé de qui les étudiants ne se fieront jamais en vain, s’ils veulent éviter les faux-pas ; M. van der Essen, qui, malgré ses multiples et lourdes charges, a si souvent trouvé l’occasion de nous manifester sa haute bienveillance.

Nous adressons également nos chaleureux et respectueux remercîments aux personnalités et aux familles distinguées qui ont si largement et si généreusement mis leurs archives à notre disposition. En premier lieu à Son Éminence le Cardinal Van Roey, archevêque de Malines et à Sa Grandeur Mgr Coppieters, évêque de Gand, ainsi qu’à leurs archivistes, MM. les chanoines Tambuyser et Van den Gheyn, dont la bienveillance a été pour nous inépuisable; ensuite au vicomte Ch. du Bus de Warnaffe, au chanoine Claeys-Bouüaert, vicaire général du diocèse de Gand, au baron d’Huart, à M. Laloire, au comte L. de Lichtervelde, au prince de Mérode Westerloo, à l’abbé Pasture, archiviste de l’évêché de Tournai, au R. P. Sterckx, supérieur général des Pères Joséphites et au Père Verbist, de la même congrégation.

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