Accueil        Séances plénières         Tables des matières         Biographies         Livres numérisés     Bibliographie et liens      Note d’intention

 

« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

Chapitre précédent                         Retour à la table des matières                          Chapitre suivant

 

D. L’ASSOCIATION NATIONALE.

 

VII. L’Association nationale tente d’empêcher les pillages.

 

(page 190) Dans ce moment, on vint annoncer qu’on menaçait de pillage la maison Mathieu, rue d’Anderlecht. Nous fûmes unanimes sur la nécessité d’empêcher le pillage. Nous savions tous que M. Mathieu était l’ennemi (page 191) de la Révolution et l’instrument dévoué des intrigues orangistes ; qu’il était le caissier de la contre-révolution, qu’il s’était gravement compromis et qu’il avait distribué beaucoup d’or au commencement de février 1831, lors de la conspiration de Grégoire. Qu’il n’avait pas cessé de donner publiquement des preuves de dévouement au Prince. Cependant, je le répète, nous fûmes tous d’accord qu’il fallait à tout prix empêcher le pillage, parce qu’il ne manquerait pas de se propager, au grand détriment de notre cause. La moitié de la compagnie de Chasteleer était de garde, à la disposition du Comité ; invités à aller s’opposer au pillage, ils sortirent immédiatement en armes. Je les engageai à se présenter, sans armes, au peuple qui connaissait leur patriotisme et leur bravoure. Votre uniforme fera, leur dis-je,  (page 192) plus d’effet que mille carabines. Ils arrivèrent sans armes rue d’Anderlecht, et depuis midi jusqu’à sept heures, conjurèrent le peuple et arrêtèrent le pillage. La fatigue et la faim les éloignèrent du poste qui était suffisamment défendu par trois bataillons de gardes civiques :  celui de la 3e section et les deux bataillons de la 3e section à laquelle appartenait la famille Mathieu. Son impopularité a déterminé le pillage presque favorisé par les garde civiques de la 3e section  

On entra dans la maison de Mathieu par les maisons voisines. On ouvrit la porte et les croisées, le peuple s’y précipitât et détruisit tout .

L’Association avait pris l’initiative de la protection, longtemps avant l’autorité communale ; elle avait fait tout ce qui était possible pour éviter le pillage. Eh bien, les orangistes l’accusèrent d’avoir fait piller !!

Ce n’était pas seulement une calomnie, c’était une stupide absurdité.  L’Association avait, plus que qui que ce soit, intérêt à éviter les pillages, non seulement parce qu’ils déshonoreraient la cause, mais aussi parce qu’ils pouvaient la compromettre, par une réaction du dedans et par une attaque du dehors. 

Elle savait que l’armée hollandaise était en mouvement et marchait vers nos frontières. Elle savait que la Prusse augmentait son armée du Rhin et la rapprochait de nos frontières ; elle savait que son quartier-général allait être transféré de Cologne à Aix-la-Chapelle. L’Association devait craindre et craignait, à juste titre, que la Prusse prît prétexte de nos désordres, pour venir seconder les projets du prince d’Orange, comme elle l’avait fait, à la fin du dernier siècle, en 1787, en Hollande, au profit de la maison d’Orange. 

Enfin, pour vaincre les ennemis du dedans et du dehors, l’Association avait besoin de l’énergique coopération du peuple ; c’eût été mal le préparer au combat, que de le pousser à se griser dans les caves des ennemis de la Révolution, et à se livrer à tous les désordres qui en sont les conséquences inévitables. 

J’ai dit, en commençant, que l’accusation portée contre l’Association étau une absurde calomnie; tous ceux qui liront ce qui précède, répèteront avec moi, c’est une absurde calomnie et ils ajouteront : c’est une ignoble vengeance des vaincus qui n’auraient pas eu la même modération, s’ils avaient été victorieux. 

Les désordres de Bruxelles, se produisaient à Liége, Gand, Anvers, Ypres, Bruges ; ils étaient partout, comme a Bruxelles, la réaction déplorable, sans doute, mais fatalement inévitable, des intrigues perfides et audacieuses, des provocations plus audacieuses encore  (page 193) de la presse orangiste ; l’inaction, la défaillance du pouvoir, sa complicité  au moins apparente, sont les véritables causes des désordres qui se terminèrent heureusement sans mort d’homme. 

Preuve évidente que le peuple belge sait, dans les circonstances les plus graves, les plus périlleuses, faire triompher ses droits, en respectant ceux de l’humanité. 

Chapitre suivant