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« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

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C. LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE.

 

III. L'arrêté du 15 octobre sur les Corps francs. -  De Potter et le droit d'association.

 

(page 322) Le 15 octobre, le Gouvernement provisoire signa un arrêté qui assignait le grade de capitaine aux commandants des Corps francs,. à moins qu'ils n'aient été promus à un grade supérieur.

Il défendait, sous les peines prononcées par le Code pénal, toute immixtion dans les fonctions publiques, civiles ou militaires, l'usurpation de titres, dignités, insignes de grades, de fonctions ou d'uniformes qu'on n'avait pas le droit de s'attribuer. C'était un premier pas dans l'ordre hiérarchique profondément troublé. Les bons, les vrais patriotes applaudirent ; les ambitieux, les parasites, les intrigants seuls maugréèrent.

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Après avoir démontré que De Potter, qui « se vante sans cesse de nous avoir poussés, pressés, harcelés dans l'accomplissement de notre mission de réparer les injustices de l'ancien Gouvernement, de faire disparaître tous les abus... n'était en réalité que l'innocente mouche du coche au Comité central », Gendebien rappelle l'erreur qu'il faillit commettre en matière de main-morte.

M. De Potter, si chaleureux pourfendeur des abus, faillit en introduire un, inconnu depuis la Révolution de 1789 et plus funeste, à lui seul, que tous les abus que 1830 avait mission de faire disparaître.

Dans la soirée du 14 octobre, De Potter dit : « Nous avons souvent parlé de l'utilité des associations et de la nécessité d'en proclamer et d'en définir le droit. Je vous présenterai demain un projet d'arrêté. »

Cette entreprise me parut hardie, téméraire même, et tout à fait au-dessus des capacités de De Potter. J'en fus convaincu le lendemain.

(page 323) M. De Potter apporta le lendemain un projet qui, sans qu'il s'en doutât, consacrait les couvents et la main-morte, comme au bon vieux temps.

J'eus de la peine à le lui faire comprendre ; je suis persuadé que je n'y suis pas parvenu. Mes collègues m’ayant compris, Je corrigeai, séance tenante, l'arrêté en le généralisant : « dans un but politique, religieux, philosophique, littéraire, industriel ou commercial ».

J'ajoutai un petit correctif qui anéantit la main-morte, objet principal du véritable auteur du projet d'arrêté.

Le 15 au soir, M. l'abbé Defoëre vint au Gouvernement provisoire. Je me suis dit aussitôt, voilà le véritable auteur de l'arrêté. Aux premiers mots qu'il prononça, je compris son désappointement.

J'étais occupé, sur le coin d'une table voisine, à rédiger un projet de code militaire en campagne. Je suspendis mon travail et suivis la discussion. M. Defoëre lève sa soutane, prend des papiers et en laisse tomber un. Me levant aussitôt, je mis le pied dessus et pus le ramasser, sans être aperçu par M. Defoëre très préoccupé de la discussion. Ce papier, c'était la minute du projet d'arrêté proposé par M. De Potter.

Je dois à la vérité de dire, qu'éclairé par la discussion et après mûre réflexion, De Potter comprit la funeste portée de son projet et me remercia de l'avoir amendé, de lui avoir administré un contrepoison salutaire, ce sont les expressions dont il s'est servi.

On a, à cette occasion, accusé De Potter d'avoir recherché les bonnes grâces du clergé, par une concession exorbitante et funeste. Cette accusation aurait pu avoir quelque apparence de réalité, si De Potter avait eu la conscience de ce qu'il faisait, mais il ignorait la portée du projet dont il avait accepté la paternité. Il a sans doute eu l'intention de faire chose agréable au clergé et en particulier à M. Defoëre qui avait les sympathies de tous les unionistes ; aller au delà, l'accuser d'avoir eu l'intention de rétablir les couvents et le privilège de la main-morte, c'est aller trop loin ; c'est, j'en suis convaincu, le calomnier.

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