Accueil        Séances plénières         Tables des matières         Biographies         Livres numérisés     Bibliographie et liens      Note d’intention

 

« Aperçus de la part que j’ai prise à la révolution de 1830 » (« Mémoires »), par A. Gendebien (1866-1867)

 

Chapitre précédent                         Retour à la table des matières                          Chapitre suivant

 

A. LES PRODROMES DE LA RÉVOLUTION.

 

VII. La réunion du 2 septembre à l'hôtel de ville.

 

(page 232) Le 2 septembre arrivèrent de Paris MM. de Celles, de Langhe (1), Le Hon et Ch. de Brouckère, membres des Etats-Généraux (Note de bas de page : De Langhe (1785-1853) fut membre de la seconde Chambre des Etats-Généraux de 1819 à 1830, député d'Ypres au Congrès national, représentant du même district de 1837 à 1841). Ils avaient été électrisés au contact des vainqueurs de Juillet.

Ils étaient très chauds, croyaient la révolution belge faite et n'avoir plus qu'à monter sur son char triomphant. .

Ils se réunirent le soir à l'hôtel de Hollande. M. de Celles m'invita à cette réunion ; je refusai, alléguant que je serais un intrus, au milieu des honorables appelés par leur position, à diriger les conséquences de la révolution. Il insista, je cédai à contrecœur en apparence, mais heureux de constituer la révolution sur sa véritable base : la représentation nationale, bien entendu surveillée, poussée, maîtrisée par le peuple ou en son nom.

Je me rendis à la réunion à 9 heures. Dans une discussion ou plutôt une conversation générale qui a duré très longtemps, je présentai la révolution comme faite inévitablement, je vantai, j'exagérai même les éléments du succès, afin de les déterminer à en prendre la direction suprême. De nombreuses objections furent faites.

Pour couper court aux tergiversations et les déterminer à rester à Bruxelles, je fis un effrayant tableau des effervescences de la population de La Haye, et qui ne manqueraient pas d'augmenter à leur arrivée en Hollande, et surtout rendant leur séjour à La Haye.

J'affirmais que le Roi était dans de très mauvaises dispositions ; que son entêtement serait un obstacle à toute concession ; que la toute puissance de Van Maanen les ferait avorter si le Roi était disposé à les accueillir.

Je rendis compte de mon entrevue avec le prince d'Orange, des propositions que je lui avais faites et de la conviction qu'il paraissait avoir de la nécessité d'une séparation des deux parties du royaume. Enfin, je proposai d'appeler à Bruxelles tous leurs collègues méridionaux, trois ou quatre exceptés, de s'y constituer en permanence. J'insistai sur la nécessité de constituer une commission de trois ou cinq membres, laquelle se chargerait d'administrer provisoirement les affaires des provinces méridionales.

Ce dernier point fut vivement combattu, il fut ajourné jusqu'à la réunion des députés méridionaux à Bruxelles.

La réunion à Bruxelles, sans rien préjuger, fut acceptée à l'unanimité. (page 233) M. Ch. de Brouckère en qualité du plus jeune, avait été nommé secrétaire, il fut invité à faire les convocations.

M. de Brouckère s'y refusa. « Pourquoi, dit-il, moi plutôt qu'un autre ? » - « Parce que vous êtes secrétaire, lui dit-on. » - « Secrétaire, c'est pour la forme et par habitude qu'on m'a nommé et non pour prendre sur moi la responsabilité d'un acte. aussi important. »

- « Mais, dit M. De Langhe, vous ferez les convocations au nom de nous tous, ici présents. »

M. Ch. Le Hon se leva et dit : « Pas du tout, je n'entends pas, je ne veux pas sortir de la légalité ; nous n'avons pas le droit de convoquer les Chambres ; c'est un acte tout à fait illégal. » - « Mais que faisons-nous donc ici depuis trois heures, leur dis-je, que fait-on à Bruxelles depuis le 25 août, que fait-on à Liége, à Namur, et bientôt que fera-t-on dans la Belgique entière ? Au reste, nous ne convoquons pas les Chambres, nous invitons quelques membres de la Chambre à venir à Bruxelles. »

Le mot « légalité » avait fait son effet ; comme la tête de Méduse, il avait refroidi, terrifié les plus beaux élans ; chacun prenait son chapeau, et trois heures de conférence allaient aboutir à une déroute lorsque je dis : « Je me charge de faire les convocations ou invitations, je suis connu de presque tous vos collègues absents ; ils me savent digne de confiance, ils n'hésiteront pas à venir. »

« Il est bien entendu, dirent quelques uns, que vous ferez les convocations en votre nom personnel.» - « Sans doute, soyez tranquilles, je ne nommerai personne. » (Note de bas de page : L'auteur anonyme d'Un mois de d'histoire de Bruxelles (1835), après avoir donné le texte de la déclaration, ajoute : « Chose assez curieuse, cette déclaration était le résultat d'une conférence des députés : mais nul n'ayant voulu prendre sur lui de convoquer ceux de ses collègues absents, ce fut M. Gendebien qui se chargea de ce soin. »)

Rentré chez moi, j'écrivis les lettres de convocation ; à quatre heures du matin, je fis venir mon secrétaire, dont l'écriture ressemblait fort à la mienne. A 9 heures, toutes les lettres étaient expédiées : quelques-unes par la poste, d'autres par les messageries et par personnes interposées.

Ces convocations eurent un plein succès, presque tous les membres convoqués arrivèrent successivement, selon leur degré d éloignement.

Chapitre suivant